Leïla Marmelade, cette star de la littérature sentimentale africaine

Elle est connue en France par la communauté des afro-lecteurs, et carrément célèbre au Gabon et au-delà. Depuis 2014, Leïla Marmelade écrit des histoires d’amour pimentées sur Facebook, qu’elle auto-édite ensuite sur Amazon. Le Baobab Littéraire a eu la chance de l’interviewer et vous raconte sa success story.

Une grande histoire d’amour avec les romances

La Gabonaise a commencé à lire surtout parce que son père aimait les livres, et qu’en tant qu’unique fille au milieu de 5 frères, elle espérait ainsi attirer son attention d’une certaine façon. Et elle a adoré, bien sûr. Un jour, alors qu’elle était lycéenne, elle a découvert les romances et n’est plus jamais sortie de cet univers dans lequel “grâce à l’amour, on vainc les ennemis et on résout tous les problèmes”, affirme-t-elle, dévoilant son âme de rêveuse.

Comme beaucoup de lectrices racisées, son regret était de ne pas voir de personnages noirs dans les romances. Alors elle s’est mise à écrire des histoires d’amour par épisodes sur des doubles feuilles, les faisait lire à des copines, qui elles-mêmes les faisaient circuler dans les mains de toutes les filles du lycée. Elles sont devenues fans, au point de lui réclamer la suite chaque jour.

Une référence des chroniques sentimentales sur Facebook

Bien des années plus tard, en 2013, la jeune femme a découvert l’univers des chroniques littéraires sur Facebook. Parce qu’il faut dire que c’est le réseau social le plus fréquenté en Afrique, par 17% de la population. Des autrices amatrices du Gabon, du Cameroun ou encore du Sénégal servent à leurs abonnés des histoires écrites à la façon de scénarios et sans retouche, par épisodes, un format qu’on peut aussi retrouver sur Wattpad. Forcément, cette pratique littéraire a rappelé à Leïla ce qu’elle faisait déjà de manière informelle auprès de ses camarades de lycée plusieurs années auparavant.

Elle s’est alors lancée aussi sur Facebook, avec un pseudo totalement choisi par hasard en 3 minutes, et qui pour le coup n’a rien à voir avec la chanson “Voulez-vous coucher avec moi” de Lady Marmelade, contrairement à ce qu’on pourrait penser. “Si j’avais su que j’allais devenir populaire, c’est sûr que je me serais plus attardée sur le choix de mon pseudo”, s’amuse-t-elle.

Petit à petit, elle s’est bâti une belle communauté de lectrices en produisant environ 1 ou 2 romans par an sous forme de chroniques. Elle est très active sur le réseau social, où elle est actuellement suivie par plus de 37 000 abonnés !

L’écrivaine, qui n’a jamais dévoilé son visage par souci de conserver son anonymat, anime sa page Facebook avec amour et assiduité à l’égard de ses lectrices. Ses épisodes peuvent recevoir plus de 2000 likes et ses posts, souvent fun, engrangent des centaines de commentaires enthousiastes dans une ambiance “salon de thé”. Les fidèles lectrices attendent chaque épisode avec tellement d’impatience, que la pauvre s’excuse dès qu’elle a du retard.

Leïla Marmelade a assurément trouvé la recette pour fédérer une grosse communauté autour de son œuvre. Les ingrédients ? Des histoires d’amour fou addictives qui mettent en scène des femmes africaines fortes et féministes aux destins extraordinaires, une publication à cadence soutenue, une demande de 1000 likes par épisode pour balancer la suite, de l’humour à base de mèmes d’animaux rigolos, des visages de stars afro-américaines associés à ses personnages.

Sa petite touche personnelle ? Leïla écrit des histoires qui font voyager ses lectrices. Passionnée par les cultures asiatiques, entre autres les k-dramas coréens, elle n’hésite pas à introduire des personnages indiens, japonais, coréens, comme dans La Belle et la bête, un de ses plus gros succès.

De la littérature sentimentale de qualité

Leïla sert une littérature sentimentale 5 étoiles, parce qu’on a rarement vu une autrice de romances parler d’amour ainsi, avec tant de finesse et de passion. Le Baobab Littéraire a lu le tome 1 de Vaudace ainsi que le début du roman Enflammer la pluie. On sent que le coeur y est, pour de vrai. La romancière se dit très sensible, et cela se perçoit dans sa façon d’écrire.

L’édition ? Pourquoi pas, la romancière gabonaise, dont le métier gagne-pain est juriste, y verrait l’opportunité d’améliorer son écriture et de réellement se professionnaliser. En attendant, la qualité de ses textes auto-édités est au rendez-vous et on est même surpris d’apprendre qu’ils n’ont pas été énormément retravaillés.

Côté lectures, elle lit un max de romance, et un petit peu de tout aussi. “Pour bien écrire, il faut beaucoup lire”, rappelle Leila Marmelade, et on sera d’accord avec elle. Colleen Hoover et Christina Lauren sont ses autrices de romance chouchous. Elle apprécie la littérature africaine entre autres. Tout comme Kea Ring qui faisait l’objet d’un article en juin, ses coups de cœur sont Fatou Diome et Chimamanda Ngozi Adichie.

De la difficulté d’accéder aux romans de Leïla Marmelade en Afrique

On note un fait regrettable dans cette aventure. Beaucoup de lectrices africaines sont en demande de romances publiées avec des personnages africains, d’où le succès des chroniqueuses FB comme Leïla Marmelade.

Malheureusement, les plateformes e-commerce comme Amazon ne sont pas implantées en Afrique, et n’offrent pas non plus la possibilité aux Africains d’acheter des produits digitaux comme des ebooks.

Acheter un livre de Leïla Marmelade dans son propre pays, au Gabon, est donc un véritable parcours du combattant. Les lectrices doivent mettre en place des stratégies compliquées pour faire circuler les romances.

Pour ne pas les frustrer, l’autrice de littérature sentimentale a fait le choix de laisser en libre accès ses histoires sur FB pendant au moins 6 mois à 1 an, avant de les enlever et de les publier sur Amazon. BAE et La belle et la bête sont ses best-sellers.

Pour que les choses évoluent, l’autrice gabonaise aimerait que les maisons d’édition spécialisées dans les romans d’amour s’intéressent aux chroniqueuses FB de romance africaine. Certaines d’entre elles ont du talent, mériteraient d’accéder à un public plus large, et surtout que les lecteurs africains puissent acheter leurs livres.